Devenir soignant offre de vraies opportunités de carrière
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Christian a obtenu son diplôme d’infirmier il y a plus de 20 ans. Prenant de plus en plus de responsabilités au fil des ans, il est aujourd’hui directeur des soins aux Hôpitaux Robert Schuman depuis 2018. Il revient sur son parcours, nous parle de son quotidien et met en avant la richesse des opportunités offertes par la formation de soignant.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel dans les grandes lignes ?
Christian : D’abord, j’ai découvert le métier de soignant assez tôt et par hasard parce que j’ai travaillé à 15 ans, pendant les vacances, au sein d’une équipe à l’hôpital Sacré-Cœur. Je n’ai pas seulement découvert un métier mais aussi une passion de travailler au contact des patients, de soigner. Ça m’a permis de mieux comprendre le rôle d’un soignant, d’un infirmier, ce qu’ils font exactement. D’autant que je doute qu’encore aujourd’hui, leur rôle soit bien clair pour tout le monde ; les gens ne connaissent pas ou peu ce métier, les tâches réalisées, les missions possibles, l’aspect médico-technique, le savoir-faire, le savoir vivre. Ça m’avait impressionné à l’époque et j’ai été vite fasciné par ce métier. Très vite, je me suis construit une orientation vers ce genre de métier. J’ai refait ce travail de vacances à 16 ans, dans l’équipe que je connaissais déjà, et ils m’ont poussé dans cette voie, encouragé même, parce qu’ils ont vu que j’étais très intéressé, que j’aimais le contact avec le patient, que j’avais une affinité avec la profession. Vu les encouragements, ça a été le déclic et au lycée, j’ai pris la direction de la section paramédicale pour finalement me diriger vers le LTPS. Et pendant toutes mes années d’études, je passais mes 2 mois de vacances dans différents hôpitaux, différents services pour acquérir de l’expérience et pouvoir prester rapidement. C’était une période très riche ; j’ai rencontré beaucoup de gens dont certains que je côtoie toujours aujourd’hui.
Il n’y a pas que ce côté soins et prendre soin du patient, c’est bien plus. J’allais travailler en tant qu’infirmier mais dans cette vocation, je ne me donnais pas comme mission « d’aider les gens »… ça me faisait plaisir et c’était vraiment mon métier, celui que je voulais faire. Mais en plus, j’ai découvert cette notion de travail d’équipe, de collègues qui font la même chose, avec qui il y a un partage d’informations, une amitié qui se développe et qui, si aujourd’hui, j’ai besoin de contacter quelqu’un dans un autre hôpital et aussi dans celui dans lequel je travaille aujourd’hui, ce sont des personnes qui ont suivi la formation plus ou moins en même temps que moi. Tout ça pour dire que le contact patient et sa prise en charge me plaisaient bien. Je retrouvais ce côté familial et jovial avec les collègues, l’esprit d’équipe, etc. C’était vraiment très important pour moi, ça a renforcé mon envie de prendre cette voie.
Quand vous avez obtenu votre diplôme d’infirmier, qu’avez-vous fait ?
Christian : J’ai travaillé au Sacré-Cœur où j’avais fait mes jobs d’été. C’était difficile de faire un choix parce qu’à ce moment-là, il y avait pas mal de postes ouverts dans différents hôpitaux. Mais j’ai choisi le Sacré-Cœur parce qu’en plus de bien connaître les équipes, il y avait une belle opportunité car c’était l’époque de la nouvelle construction avec une fusion de plusieurs hôpitaux au Kirchberg, le HRS (Hôpitaux Robert Schuman). Non seulement, je connaissais une bonne partie du personnel mais aussi, quelque chose de nouveau se construisait. J’ai profité de cette occasion. J’ai commencé au Sacré-Cœur dans un service d’orthopédie et pneumologie. Puis, j’ai travaillé en psychiatrie pendant quelques années quand le HRS a ouvert. Là, j’ai eu l’opportunité d’avoir un poste de responsable adjoint dans le service de psychiatrie que j’ai occupé pendant environ 7 ans. J’ai ensuite été responsable du service urologie pendant un certain temps et j’ai à nouveau changé cette année-là pour devenir directeur du pôle de psychiatrie des HRS. J’ai travaillé en tant que cadre pendant 4 ans jusqu’au moment où j’ai pu profiter d’un appel pour la direction des soins des HRS, poste que j’occupe depuis avril 2018.
Quand vous avez occupé votre poste d’infirmier en psychiatrie, avez-vous suivi une formation spécifique ?
Christian : Non parce qu’à ce moment-là, je n’étais pas sûr… j’avais pour ambition de travailler dans plusieurs services, notamment celui des urgences. J’ai toutefois choisi le service de psy pour avoir l’expérience. Les évènements ont tourné d’une autre manière. Et rapidement, j’ai eu l’opportunité de devenir responsable adjoint. Ça m’a plu. Le management et la gestion d’équipe m’ont vraiment attiré. J’ai alors fait le choix de suivre des études de management dans le cadre hospitalier en Allemagne…
Initialement, c’était bien sûr le contact avec les patients qui me plaisait et qui me plaît toujours d’ailleurs : le soin et le contact direct avec des personnes nécessitant des soins.
Avez-vous fait une pause carrière pour suivre ces cours ?
Christian : J’ai suivi ces cours en parallèle de mon travail, le weekend, par correspondance. J’ai aussi fait un certificat universitaire en gestion hospitalière à l’IUIL, l’institut universitaire du Luxembourg. Et dans les mêmes conditions, j’ai suivi la formation « Management du secteur hospitalier » en Belgique. J’ai toujours gardé mon travail à temps plein. Bien sûr, l’hôpital a parfois pris en compte des heures de formation mais pour la plupart, c’était sur mon temps privé. J’étais assez fasciné par le management, le contact avec les équipes ou avec d’autres personnes, la résolution des problèmes, aider à faire avancer les choses… cette idée d’amélioration continue, de pouvoir travailler sur des projets. Ce qui m’intéressait beaucoup, c’est effectivement la gestion pure et dure d’une équipe en étant de plus en plus impliqué dans la gestion de projet puisqu’un projet dans un hôpital doit théoriquement avoir un intérêt pour améliorer la prise en charge du patient ou la situation du personnel. Je me suis senti à l’aise dans ce type de projets et en voyant que ça donnait des résultats, ça m’a motivé pour poursuivre dans cette voie. Juste une chose qui me manque énormément aujourd’hui, c’est de ne plus être en contact avec des patients.
Vous n’avez plus du tout de contact avec les patients ?
Christian : Malheureusement, si j’en ai un, c’est souvent dans le cadre d’une plainte. Ou bien sûr, si je vais dans les étages, je vois des patients mais je ne suis plus dans le soin alors qu’initialement, c’était bien sûr le contact avec les patients qui me plaisait et qui me plaît toujours d’ailleurs : le soin et le contact direct avec des personnes nécessitant des soins. Et là, c’est une chose que j’ai dû accepter au fil des étapes ; à chaque poste de responsabilité, j’ai continué à être au contact du patient. Par contre, une fois passée l’étape cadre intermédiaire, vous êtes dans des réunions du matin au soir et je n’ai plus eu cette possibilité. Je pense qu’il fallait prendre un peu de recul par rapport à ça aussi parce qu’en étant le nez dans le guidon, ce n’est pas toujours productif non plus, il fallait une position avec plus de hauteur. Et aujourd’hui, voilà, mon contact patient se limite à du retour positif ou négatif.
Même en étant une personne travaillant dans la direction d’un hôpital, vous avez un profil qui vient du terrain, ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde ?
Christian : Non. Enfin, parmi les personnes qui occupent des postes de direction dans les hôpitaux du Luxembourg que je connais, il n’y a aucun directeur des soins qui n’a pas travaillé dans les équipes. Maintenant, combien de temps ont-ils été soignants ? Certains venaient effectivement de l’enseignement et n’ont probablement pas travaillé longtemps dans des services hospitaliers… Aussi, ça permet d’analyser les situations avec une vue différente notamment concernant les contraintes budgétaires ou autre. Mais indirectement, ça m’a permis de garder ce sentiment de ce qu’est une équipe, de l’attente du patient concernant les décisions.
Et vous avez encore beaucoup de contacts avec les équipes soignantes ?
Christian : Oui mais pas assez. J’ai beaucoup de réunions internes ou externes. Je vois les responsables, c’est-à-dire les directions de pôles, presque tous les jours. Par contre, j’ai peu l’occasion d’aller dans les étages pour discuter avec les soignants, même si j’en connais encore beaucoup. Ça, je pensais que je pourrais le faire davantage. Là, il y a tout de même une certaine frustration mais il y a des moments où ce n’est pas possible. Comme en ce moment, par exemple, où nous sommes en pleine négociation pour les dotations ; c’est l’une des tâches de la direction des soins de négocier les dotations tous les 2 ans auprès de la CNS. Et là, depuis 2 mois, je vais rarement voir les équipes. Je vais aux urgences, dans des plateaux techniques quand je passe ou je vais dans un étage quand il y a un problème concret mais je ne peux pas m’y rendre tous les jours.
L’avantage d’avoir un passé en tant que soignant pour être directeur des soins, c’est qu’on comprend justement la problématique parce qu’on l’a vécu et on essaye de mieux faire.
Vous dites que vous avez beaucoup de réunions. Quelles sont les thématiques abordées ?
Christian : Ce sont des réunions internes, des conseils de direction où les sujets internes sont discutés ; il y a des décisions à prendre ou des communications à faire, des informations à diffuser. Ce sont des réunions de revue de projets, des réunions de préparation, des entretiens parfois moins agréables avec des employés dans le cadre d’une entrevue pour un problème. Ou encore, tout ce qui est réunion de recrutement, des réunions de revue de dotation puisque je dois suivre des indicateurs par rapport à la masse salariale. J’ai aussi beaucoup de relations avec le service des ressources humaines parce qu’on a plus de 2 600 personnes qui travaillent ici : 300 médecins qui ont un statut spécifique dans les HRS et 2 300 salariés, dont une grande majorité dans les soins ou en paramédical : kiné, ergothérapeute, psychologues, etc. Je m’occupe de ces spécialités qui représentent 8/10 de notre masse salariale d’où ma relation fréquente avec la DRH mais aussi avec les médecins, la direction médicale, la direction administrative. Donc beaucoup d’entrevues avec les responsables de pôles. C’est donc planifier tout en gérant les urgences parce qu’on joue au pompier à tous les niveaux de temps en temps, s’il le faut. Mais ce sont aussi des réunions externes, souvent avec la Fédération des hôpitaux du Luxembourg (FHL), avec d’autres hôpitaux, la Direction de la santé, le ministère de la Santé ou d’autres ministères en fonction des projets en cours.
Quand vous parlez de recrutement, c’est le recrutement d’un certain niveau de hiérarchie ?
Christian : Oui, effectivement, je fais peu d’entretiens d’embauche ; les recrutements pour des postes d’infirmier, de kiné, d’assistante sociale sont réalisés dans les services, par leurs futurs responsables, dans le respect de la hiérarchie. Je signe les contrats. J’ai une revue régulière avec les responsables de service par rapport à leur dotation et avec les ressources humaines avec qui on fixe les cibles pour le recrutement. Par contre, je participe régulièrement à des recrutements pour des postes hiérarchiquement plus élevés.
Le soin est un secteur où les conventions collectives sont très attractives. C’est un domaine où les personnes qui ont un contact humain facile peuvent s’épanouir.
De quelle manière un poste comme le vôtre est accessible au Luxembourg ?
Christian : Un engagement et investissement énorme, des valeurs humaines, une volonté de progresser et d’évoluer constamment et… un peu de chance probablement.
Est-ce que c’est un poste qui pourrait être occupé par une personne qui n’a pas un profil infirmier ?
Christian : Difficile à dire, mais probablement oui. Je me suis déjà posé cette question car je suis allé visiter un hôpital en France où ce poste de direction des soins n’est pas occupé par un soignant, tout comme le poste de directeur médical qui n’était occupé par un médecin, les deux avaient un profil d’économiste. A mon égard, il faut une grande compréhension du terrain. La gestion des finances est bien évidemment un élément important, mais la compréhension du terrain me semble plus important. L’avantage d’avoir un passé en tant que soignant pour être directeur des soins, c’est qu’on comprend justement la problématique parce qu’on l’a vécu et on essaye de mieux faire, si le cadre financier le permet.
Et donc, ceux qui n’ont pas un profil infirmier pour ce poste, quel profil devraient-ils avoir, autre qu’économiste ?
Christian : Je ne suis pas sûr qu’il y ait un diplôme précis mais, idéalement, un profil en lien avec le métier. À la base, une solide expérience terrain me semble indispensable, et des diplômes qui permettent d’avoir un bagage théorique en lien avec le secteur. Il est aussi important de comprendre le cadre financier et d’anticiper l’impact d’une décision sur le fonctionnement de l’hôpital.
Est-ce toujours possible aujourd’hui pour un jeune de faire des stages d’été à hôpital ?
Christian : Oui. Cette opportunité me semble importante pour permettre aux jeunes de découvrir le métier.
Ça veut dire qu’un jeune qui veut faire un petit boulot d’été peut envoyer son CV pour travailler dans un hôpital pendant ses vacances ? Est-ce qu’il y a besoin de compétences spécifiques ? Quel est le profil idéal ?
Christian : Il n’y a pas de profil idéal. Mais on a des missions précises pour les étudiants qui viennent à l’hôpital. On a pas mal de sollicitations et on essaye de limiter car on ne peut pas surcharger les services. Aussi, on essaye d’avoir des gens qui apportent une plus-value dans les services. Je sais que c’est contradictoire parce que j’ai pu le faire quand j’étais jeune mais aujourd’hui, la sollicitation est quand même tout autre, notamment avec les médecins qui font leur stage d’immersion. Bref, il y a beaucoup de demandes. Mais il y a toujours la possibilité d’envoyer une demande pour un job d’été et travailler, par exemple, dans le transport, la logistique ou dans l’archivage où on prend régulièrement des étudiants pour des jobs d’été.
Je ne connais pas beaucoup de métiers qui offrent cette richesse et cette diversité ; avec un diplôme de soignant, il est possible de travailler dans différents domaines avec une grande étendue d’orientations. C’est un secteur qui offre de vraies opportunités de carrière.
Avez-vous un message à adresser aux futurs étudiants ou à ceux qui ont envie de devenir infirmiers, aide-soignant, sage-femme ?
Christian : Oui. D’abord, nous, les tutelles, on est dans l’obligation de bien positionner, de bien mettre en avant ces métiers parce qu’ils sont dénigrés, méconnus mais surtout sous-estimé par rapport au challenge. Je pense même que dans la population, les gens ont l’impression que c’est un métier sans garantie, que les jeunes préfèrent travailler dans l’administration d’État qui leur assure certaines garanties. En fait, le soin est un secteur où les conventions collectives sont très attractives. C’est un domaine où les personnes qui ont un contact humain facile peuvent s’épanouir. Je pense aussi que découvrir ces métiers, c’est se laisser la chance de découvrir toute la marche et les possibilités qu’on peut avoir dans ce métier. Je ne connais pas beaucoup de métiers qui offrent cette richesse et cette diversité ; avec un diplôme de soignant, il est possible de travailler dans différents domaines avec une grande étendue d’orientations. C’est un secteur qui offre de vraies opportunités de carrière, aujourd’hui aux urgences et peut-être demain dans un service de gériatrie, dans un secteur technique ou dans un service où les relations humaines primes… bref, une opportunité unique pour le personnel du secteur de la santé. D’autant plus que la possibilité de se former pendant la pratique du métier permet à chacun d’évoluer et de se spécialiser. Tout est possible ! Et c’est ça qui me fascine. C’est non seulement un métier très intéressant, avec les garanties qu’il faut pour assurer une certaine sécurité aux jeunes, mais c’est aussi la richesse de profils qui existent au sein d’un hôpital et même dans le secteur des soins. C’est une grande ouverture pour évoluer dans sa carrière mais aussi dans le choix de profil.
La possibilité de se former pendant la pratique du métier permet à chacun d’évoluer et de se spécialiser. Tout est possible !
Et pas qu’à l’hôpital finalement, parce que si on prend le profil infirmier, il peut travailler dans différents endroits, comme à domicile ou au CGDIS par exemple…
Christian : Effectivement. C’est pour ça que je mentionne le secteur. Il y en a qui partent au CGDIS mais c’est aussi possible de travailler au ministère, en tant que conseiller par exemple. Il y a de vraies opportunités de carrière. Mais je pense que tout le monde n’est pas intéressé à faire carrière, d’être en dehors du soin. C’est un choix personnel et c’est aussi important. Lorsqu’on aime le contact avec le patient, on peut évoluer vers d’autres profils. Voilà, tout est possible et c’est ça qui est riche. Il y a bien sûr quelques aspects négatifs car il ne faut pas cacher que ce n’est pas toujours facile. En étant en contact avec l’humain, on voit des situations difficiles. Ça, il faut bien évidemment l’accepter. Les personnes qui s’engagent dans cette voie doivent aimer le contact humain. Ce que je constate, c’est que les personnes qui ont pris cette direction, ou au moins pour la plupart, ne se sont pas trompées car ils veulent faire ça.