Prendre soin des nouveau-nés et de leurs parents

Ce sont des circonstances particulières qui ont amenées Melinda à choisir très tôt le métier d’infirmière en pédiatrie. Aujourd’hui et depuis 13 ans, elle travaille dans le service de néonatologie à la Kannerklinik. Dans ce service bien spécifique de soins intensifs, son équipe apporte des soins aux nouveau-nés, surtout des prématurés, mais aussi un soutien aux parents.

Comment se déroule votre quotidien en néonatologie ?

Melinda : Mon quotidien est toujours un peu différent même si on a tout de même une certaine routine. Quand on prend notre poste, on voit la liste des patients qui nous sont attribués tout en faisant les transmissions entre équipes. Ce moment nous permet de comprendre ce qui s’est passé ces dernières heures mais aussi les thérapies, les traitements, les soins que je vais devoir faire. Et puis, on peut commencer les soins. En règle générale, les enfants ont des soins spécifiques toutes les 2-3 heures. On communique aussi beaucoup avec les parents qui sont présents presque tout le temps dans le service puisqu’ils restent auprès de leur enfant. Certains jours, il y a des urgences : un prématuré qui vient au monde, un accouchement par césarienne et pendant lequel une infirmière pédiatrique et le médecin en néonatologie doivent être présents.

Quels sont les soins spécifiques à apporter aux nouveau-nés ?

Melinda : Pour chaque enfant, on prend sa température, sa tension, ses paramètres vitaux comme ses fréquences cardiaque et respiratoire. Si l’enfant est placé sous assistance respiratoire, comme une CPAP (Continuous Positive Airway Pressure) ou par intubation, on lui apporte divers soins ; on doit aspirer salive et sécrétions qui encombrent la bouche et le nez, changer le masque ventilatoire, on veille à ce que le masque n’ait pas de point d’appui sur l’une de ses narines ou de l’un de ses yeux. Et bien sûr, pour tous les enfants, on change leur lange, on vérifie que tout va bien, que son ventre est souple et non ballonné car c’est une complication qui peut arriver chez les prématurés. Toutes ces attentions font parti des soins que l’on fait tous les 3 heures et qui ont toutes leur importance.

Dans le service de néonatologie, avez-vous essentiellement des enfants prématurés ?

Melinda : On a surtout des enfants prématurés mais on a aussi régulièrement des enfants nés à terme que l’on doit prendre en charge à la naissance. C’est le cas lorsque la grossesse s’est bien passée mais l’enfant né avec des complications cardiaque ou respiratoire voire des malformations qui n’ont pas été détectées avant la naissance. Le bébé peut aussi naître avec un problème de glycémie ; en cas d’hypoglycémie, il a besoin d’un apport glucosé pour réguler et stabiliser sa glycémie. Cet apport se fait par voie intraveineuse et donc, avec des perfusions.

Combien de temps les enfants restent-ils dans le service de néonatologie ?

Melinda : Si on prend en charge un enfant qui est né à terme, donc à 38-40 semaines, ça dépend de la raison pour laquelle il est dans notre service. Ça peut être 2-3 jours si c’est un problème de glycémie mais ça peut se compter en semaines si l’enfant a un problème cardiaque ou respiratoire. Et chez les enfants prématurés, tout dépend du terme de la grossesse. Si l’enfant est né à la 25e semaine de grossesse, il reste environ 15 semaines avec nous ; il est installé en couveuse, avec des appareils spécifiques et des traitements adaptés. Normalement, et c’est ce qu’on explique toujours aux parents, le développement de l’enfant qui aurait dû se faire en intra-utérin, se poursuit « à l’extérieur », chez nous, dans notre service.

Pendant nos études de pédiatrie, on nous apprend l’importance de la place des parents. Sans eux, on ne peut pas prendre de décision.

Donc votre service ne s’occupe que des enfants qui viennent juste de naître ?

Melinda : Effectivement. Un enfant qui a des soucis de santé après être rentré à la maison, peut bien sûr revenir à la Kannerklinik mais passera par les urgences pédiatriques. Il ne peut cependant plus être hospitalisé dans notre service, même si c’est un ex prématuré. Et quand un enfant est rentré à la maison, il a pu être en contact avec d’autres virus, des bactéries et notre service est hautement protégé pour préserver la santé de nos patients.

Est-ce que vous apprenez à interagir avec les parents lors de votre formation ?

Melinda : Pendant nos études de pédiatrie, on nous apprend l’importance de la place des parents. Sans eux, on ne peut pas prendre de décision. Ils sont omniprésents, ils ont le droit de rester près de leur enfant. On nous apprend la communication avec quelques bases théoriques mais ça s’apprend véritablement sur le terrain et avec l’expérience. On peut être face à des parents très anxieux ou des parents qui sont encore sur un petit nuage suite à l’accouchement et qui n’entendent pas ce que nous avons à leur communiquer. On peut aussi avoir des parents fâchés, pas contre nous mais en colère par rapport à la situation, comme une naissance prématurée par exemple. Donc on doit vraiment s’adapter aux réactions de chaque parent. Et ce qui est encore moins évident, c’est quand la maman est dans un état émotionnel différent du papa. Là aussi, on essaye toujours de trouver le meilleur moyen d’approcher ces parents tout en prenant soin de leurs émotions et en leur expliquant la réalité de la situation. Avec le médecin, on va leur expliquer les diagnostics et la façon dont on va prendre en charge leur nouveau-né. Donc oui, ça s’apprend. Pendant les études, lors de nos stages, on nous laisse déjà parler avec les parents et avec l’expérience, après avoir traversé plusieurs situations, on se sent de plus en plus à l’aise pour échanger avec eux.

Maintenant que vous êtes dans le métier depuis une décennie, est-ce que ça correspond à ce que vous vous imaginiez lorsque vous étiez enfant ?

Melinda : Oui, je dois dire que ça y répond vraiment. Le service de néonatologie est toutefois assez spécifique parce que, quand j’étais enfant, je me voyais infirmière en pédiatrie, à discuter avec des enfants de 2-3 ans ou même plus âgés. Et finalement, pendant ma spécialisation, j’ai changé de direction parce que la néonatologie m’a vraiment attirée. Donc oui, ça répond à ce que je m’imaginais mais sans la communication avec un enfant en âge de parler. L’enfant prématuré, le nouveau-né ne me répond pas verbalement mais on a un sourire, on a un toucher et ça, ça répond à ce que je m’imaginais.

Et qu’est-ce qui est plus attirant dans la néonatologie qu’en pédiatrie ?

Melinda : Pendant la spécialisation, on fait beaucoup de stages dans différents services pédiatriques et le service néonatologie m’a particulièrement touchée de par les histoires et le vécu des parents. Par exemple, leur enfant naît prématurément, il a besoin d’une aide médicale, de soins, d’une assistance technique. Tout ça m’a énormément intéressé et la néonat est devenue ma préférence. D’autant plus que c’est une profession technique, dans un service national de réanimation néonatal qui est en constante évolution. C’est aussi un service d’urgence qui nous amène, nous, en tant que soignants, à partir chercher des nouveau-nés dans d’autres maternité avec le Samu équipé spécifiquement pour la néonatologie. Ces enfants sont alors pris en charge dans notre service ou à l’étranger où nos patients peuvent aussi être transférés par hélicoptère.

L’enfant prématuré, le nouveau-né ne me répond pas verbalement mais on a un sourire, on a un toucher et ça, ça répond à ce que je m’imaginais.

Comment intégrez-vous les nouvelles techniques dans votre pratique ?

Melinda : Tout d’abord, une partie des techniques est acquise pendant les années d’études et une autre s’apprend avec l’expérience. Dès qu’il y en a une nouvelle ou des nouveautés dans les soins, on suit de courtes formations internes. Ça évolue aussi énormément en médecine ; quand je compare la situation actuelle dans notre service à celle de mes débuts, il y a 13 ans, il y a eu beaucoup d’évolution en néonatologie. Donc ces formations portent sur le changement d’un médicament, d’une prise en charge, etc. notamment la façon d’installer un prématuré. Sur bases d’études scientifiques, on va voir les différentes façons d’installer un nouveau-né et les kinés viennent nous montrer les gestes.

Comment expliquez-vous les pratiques mises en place dans le service aux parents ?

Melinda : Les parents nous rapportent souvent ce qu’ils ont lu ou les conseils que leurs amis, leurs proches leur donnent et effectivement, ça ne correspond pas toujours à ce que nous faisons dans le service. On leur explique alors que la médecine évolue, que de nombreuses études sont menées sur plusieurs années et aboutissent à des recommandations de bonnes pratiques. Nous les transmettons évidemment aux parents, nous sommes là pour leur apporter des conseils, pour leur montrer ce qu’il y a de mieux pour leur enfant, mais aussi pour eux. Ils peuvent décider de faire autrement à la maison… mais là, ce n’est plus de notre ressort. Le sujet le plus récurrent concerne la position du bébé pendant son sommeil ; il y a plus de 10 ans, les parents devaient veiller à ce que l’enfant dorme sur le ventre. Maintenant, les études confirment qu’il est préférable qu’il dorme sur le dos pour prévenir les risques de mort subite du nourrisson. C’est donc un sujet abordé au quotidien avec les parents.

 

Dans le cadre des soins apportés à un bébé, une grosse partie se fait en équipe parce que nous sommes pluridisciplinaires. Nous pouvons agir dans le cadre des actes qui entrent dans nos attributions. 

Au sein de votre équipe, jusqu’où pouvez-vous agir seul ?

Melinda : Dans le cadre des soins apportés à un bébé, une grosse partie se fait en équipe parce que nous sommes pluridisciplinaires. Nous pouvons agir dans le cadre des actes qui entrent dans nos attributions. Pour certains actes qui sont listés, nous avons besoin de l’aval ou de la présence d’un médecin. C’est le cas par exemple lorsque l’enfant doit faire des radios, une prescription médicale du médecin est nécessaire. Aussi, on lui fait appel dès que l’on remarque ou que l’on détecte par exemple, un paramètre douteux, que l’enfant a une détresse respiratoire, fait une hypoglycémie, que son abdomen est ballonné, etc. On n’attend pas. C’est un gros avantage dans notre service, qui est d’ailleurs un service intensif : on travaille ensemble et nos médecins sont toujours présents.

Quel est votre lien avec les sages-femmes ?

Melinda : Les sages-femmes s’occupent de la maman. Au CHL, notre service est situé dans une autre partie du même couloir où nous nous occupons de l’enfant. Donc on a régulièrement des échanges avec les sages-femmes, quand elles amènent ou viennent chercher les mamans, surtout les premiers jours, si la maman se déplace en chaise roulante ou « en lit » si elle doit rester aliter. Les sages-femmes nous transmettent les informations sur l’état de santé de la maman, notamment son état émotionnel. Aussi, on a des échanges quand on est appelé pour l’accouchement d’un enfant prématuré ; là aussi, la sage-femme prend en charge la maman et nous, l’enfant. On échange alors sur le déroulement de la grossesse puis au quotidien, sur l’allaitement, la mise au sein. Dans cette période post-natale, on est en phase avec les sages-femmes pour donner des conseils aux mamans sur la façon de conserver son lait vu qu’un enfant prématuré ne boit pas tout de suite au sein.

C’est important d’avoir des ressources en dehors du travail, de faire des choses qui nous font du bien, de pouvoir décompresser. 

Vous travaillez dans un service de soins intensifs, comment faites-vous pour décompresser ?

Melinda : Je crois que c’est propre à chacun. Moi, j’accorde une grande place au sport, à la famille. Ça me permet de me ressourcer. Et pour l’avoir vécu moi-même, je pense que les étudiants en stage ne s’en rendent pas compte mais c’est important d’avoir des ressources en dehors du travail, de faire des choses qui nous font du bien, de pouvoir décompresser. Heureusement, ce n’est pas tous les jours intensif ou même triste, on a aussi de très belles journées dans notre service. Mais pour celles qui peuvent être difficiles, on a un petit refuge pour les oublier et décompresser et être plus serein quand on rentre à la maison.

Qu’entendez-vous par « journée triste » ?

Melinda : C’est par exemple, lorsqu’on a pris en charge d’un enfant qui a eu des complications et qui décède malgré nos efforts… Dans ces moments, on doit aussi et surtout accompagner les parents au moment de l’annonce du diagnostic, du décès, on doit les soutenir dans leur deuil.

Après plus d’une décennie d’exercice, que pensez-vous de votre profession ?

Melinda : C’est une profession humaine. C’est d’abord un contact humain qu’on a avec l’enfant et avec ses parents. Au niveau social, cette profession occupe une grande place. C’est une belle profession. Dans le service où je travaille, dès qu’on voit l’enfant tout apaisé, prêt pour le départ à la maison avec ses parents, on se dit que les efforts de l’équipe ont servi à quelque chose. C’est aussi le sourire des parents, leur remerciement… Tout ça fait que je trouve cette profession jolie, humaine. C’est aussi un challenge quand même aussi. On n’arrête pas d’étudier à la sortie de l’école, on apprend encore plein de choses au quotidien. Notamment parce que la médecine évolue donc même avec un diplôme, ce n’est pas fini, on a encore énormément de formations qui suivent après.

Dès qu’on voit l’enfant tout apaisé, prêt pour le départ à la maison avec ses parents, on se dit que les efforts de l’équipe ont servi à quelque chose. Je trouve cette profession jolie, humaine. 

Ces formations sont-elles uniquement en lien avec l’aspect médical ?

Melinda : Les thématiques sont diversifiées. On peut choisir des formations ou certaines sont obligatoires. Ces dernières concernent spécifiquement les évolutions dans notre service ; c’est important pour pouvoir mettre en place les recommandations de bonnes pratiques dans notre service. On peut aussi suivre des formations sur la communication, sur la pédiatrie en général, même si on travaille en néonat, ce n’est pas pour ça que nous ne sommes pas concernés. On a donc un éventail de choix ici au Luxembourg parce qu’on a droit à ces heures de formations et qu’on peut nous-même choisir ce qui nous intéresse.

Et vous, qu’avez-vous choisi comme formations ?

Melinda : Ces dernières années, j’ai choisi diverses thématiques ; la « prise en charge du deuil » par exemple, formation pour laquelle je suis partie à l’étranger, avec l’autorisation de notre hiérarchie. C’était enrichissant parce que ça m’a permis d’avoir un contact avec des services hospitaliers d’autres pays, d’apprendre sur leur façon de travailler. J’ai aussi suivi des formations sur la communication ou sur des aspects plus spécifiques à notre service telle que la façon d’installer un prématuré. J’ai suivi une formation à la « simulation en santé », une méthode de pédagogie active qui nous donne des outils pour transmettre notre savoir ; je peux ainsi former les autres soignants qui travaillent en réanimation néonatale et en pédiatrie. C’est un plus dans ma carrière professionnelle ! Et ces petits plus nous permettent en plus de garder une ouverture d’esprit sur les autres services. Je travaille actuellement en néonat mais on ne sait jamais, peut-être que dans quelques années, j’aurai envie de changer. L’avantage de mon diplôme, c’est que je peux changer de service à tout moment dans ma carrière. Même s’il est clair qu’actuellement, je suis très bien dans mon travail et que je ne veux pas en changer. Je suis encore jeune et je ne sais pas où je serai dans 10 ans !

J’ai suivi une formation à la « simulation en santé », une méthode de pédagogie active qui nous donne des outils pour transmettre notre savoir ; je peux ainsi former les autres soignants qui travaillent en réanimation néonatale et en pédiatrie. C’est un plus dans ma carrière professionnelle ! Et ces petits plus nous permettent en plus de garder une ouverture d’esprit sur les autres services. 

Qu’est-ce que vous diriez à un élève qui a envie d’emprunter cette voie ?

Melinda : S’il se dit « ah, la pédiatrie, ça peut être mon domaine », je lui dirais de suivre son intuition. Aussi, de ne pas se décourager pendant ses années d’études parce qu’être étudiant et stagiaire, ce n’est pas la même chose qu’être au chevet du patient en tant qu’infirmière. Les études peuvent sembler longues, on a des tuteurs, des profs derrière nous, ça peut être difficile à un moment ou un autre, être pesant, mais ça en vaut la peine après, quand on travaille. Il ne faut pas se décourager devant le premier souci que l’on rencontre pendant ses études parce que c’est vraiment une belle profession.