Le soin, la confiance et la bonne humeur!
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Shannon est infirmière en soins généraux dans le service chirurgie, urologie au Centre hospitalier du Nord (CHdN) d’Ettelbruck. En poste depuis 3 ans, elle nous raconte les raisons pour lesquelles elle est entrée dans ce métier, le déroulement de ses études et de son quotidien professionnel.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir infirmière ?
Shannon : Quand j’avais 12 ans environ, j’ai été opérée des amygdales à l’hôpital d’Ettelbruck. Après cette opération, je n’étais vraiment pas bien. Mais pendant mon séjour, les infirmières passaient régulièrement dans ma chambre, elles me réconfortaient, elles faisaient tout pour que je me sente mieux, notamment avec ce mal de gorge, des vomissements suite à l’opération, etc. C’est cette attitude qui fait que j’ai eu envie d’être comme les infirmières !
Pendant les années lycée, votre voie était toute tracée pour vous inscrire au LTPS alors ?
Shannon : Oui, en quelque sorte. D’abord, j’ai été jusqu’à la 5e classique au ALR (Atert lycée Redange). Mais je voulais devenir infirmière et je souhaitais plutôt intégrer le technique dans la section paramédicale pour m’inscrire ensuite au LTPS. Quand j’ai intégré le technique, j’étais une très bonne élève parce qu’il y avait de la biologie ou des matières qui m’intéressent vraiment ! Et j’ai aussi fait un stage au CHdN. C’était juste une semaine mais ça m’a alors paru évident que c’était le métier que je voulais faire. Après les 2 années paramédicales, je suis donc entrée au LTPS de Warken pour suivre mes 4 années d’études infirmière.
Comment se sont déroulées ces 4 années d’études ?
Shannon : Avec des hauts et des bas ! C’était d’abord un peu effrayant avec tout ce vocabulaire médical qu’on ne comprend absolument pas quand on l’entend pour la première fois. Ce n’était vraiment pas évident ! Aussi, pendant le premier stage, je pensais que je ne pourrais jamais être capable d’être responsable de plusieurs patients, connaître tous leurs problèmes, toutes les maladies, les médicaments… c’était vraiment beaucoup ! Et doucement, on voit tout de même qu’on fait des progrès et ça, ça m’a motivé pour aller encore plus loin. Dans les stages, j’étais toujours contente de voir que la théorie apprise pendant les quelques semaines à l’école pouvait s’appliquer dans les semaines suivantes, en stage. C’était vraiment intéressant. L’équilibre entre les deux était vraiment bien. Parfois, quand le professeur venait nous voir en stage, j’étais toujours un peu effrayée. Je ne voulais pas faire d’erreurs… Ma première année a été plutôt stressante. C’est normal ! Et après, avec les examens, ce n’était aussi pas si évident mais voilà, on peut le faire quand même !
Vous aviez déjà une idée du lieu où vous vouliez exercer pendant vos études ?
Shannon : Au début, je voulais être infirmière en pédiatrie. Donc, je voulais aller à la Kannerklinik à Luxembourg ville même si le CHdN a toujours eu ma préférence car l’ambiance est différente, c’est plus petit, on connaît tout le monde, c’est vraiment un lieu familial. J’ai donc commencé des études pour être infirmière pédiatrique et j’ai rapidement vu que ce n’était pas pour moi. Infirmière, oui ! Mais pas en pédiatrie. J’ai donc arrêté la formation en pédiatrie.
Pourquoi la pédiatrie n’était « pas pour vous » finalement ?
Shannon : C’est plus éprouvant de travailler avec les enfants, à mon avis. Ça dépend des personnes bien sûr, mais pour moi, ce n’était vraiment évident. En tant qu’infirmière, on travaille avec des gens fragilisés par la maladie qui n’ont pas toujours le moral. J’aime essayer de trouver des choses pour qu’ils aient un petit rayon de soleil pendant leur hospitalisation. Avec les enfants malades, ce n’est pas si facile. Ils sont plus fragiles ; c’est peut-être la « peur de la blouse blanche »…
À la fin de vos années d’études, vous vous sentiez prêtes à exercer votre métier ?
Shannon : Plus ou moins ! On se demande parfois si on peut vraiment gérer une situation avec tous les patients, si tout va bien, si on va pouvoir parler en français, si ça va avec les médecins, avec les patients… Voilà, on se pose toujours pleins de questions. Mais dès que j’ai commencé, ça vient vite. Même avec les changements de langues permanents. Il y a des journées où ça va mieux que d’autres !
Surtout qu’il n’y a pas que le français…
Oui, c’est ça, il y a aussi l’anglais, l’allemand, beaucoup de portugais. Donc, on doit quand même s’arranger aussi avec les patients ! Parler avec les mains, avec les pieds, avec tout ! Parfois, on a des patients originaires de Roumanie ou d’autres pays de l’Europe de l’Est. Ce n’est pas si évident avec la langue, c’est un petit établissement mais dans tous les services, on a des gens qui parlent d’autres langues et on peut toujours s’arranger, leur téléphoner pour leur demander de nous aider dans la traduction. Donc, en portugais, pas de soucis, on a beaucoup de collègues d’origine portugaise. On a aussi une dame brancardière qui parle arabe et elle est facilement joignable si on a besoin. Je trouve que c’est bien le fait que nous travaillions tous ensemble pour aider les patients qui ne comprennent pas notre langue parce que ça peut les apaiser de pouvoir échanger.
Il faut être multitâche. C’est-à-dire, être capable de faire plusieurs choses en même temps.On doit être flexible, apprendre à gérer le stress, à le maitriser.Si j’entre, que je respire la bonne humeur, je rigole, je parle avec les gens, ça change énormément !
Au niveau émotionnel, vous sentiez-vous armés quand vous avez commencé ?
Shannon : Je me suis aussi posé cette question mais je n’ai pas eu de problème. Parfois, on a des patients avec qui nous avons une relation plus forte et là, ce n’est parfois pas si évident. Parfois on ramène certaines émotions à la maison… et j’ai aussi des journées où je pleure un peu suite à un évènement avec l’un de nos patients. Parfois, c’est plus lourd mais on est une bonne équipe, une très jeune équipe, ce sont des amis, on peut parler ensemble. Et aussi, à la maison, j’ai ma famille, mes amis pour déstresser. Et mes chiens aussi !
À votre avis, quelles compétences où qualités que vous n’apprenez pas à l’école sont nécessaires pour pouvoir faire sereinement votre travail ?
Shannon : Il faut être multitâche. C’est-à-dire, être capable de faire plusieurs choses en même temps. On doit toujours penser à 10 millions de choses. Dans mon service, en chirurgie, je suis responsable de plus ou moins 15 patients. Dans une journée, je change de tâche très souvent. Je suis en train de faire un pansement puis le docteur vient pour la visite, donc je l’accompagne. Puis c’est le brancardier qui vient pour emmener une personne au bloc opératoire, je l’accompagne, la famille qui téléphone, je dois lui répondre… donc, on doit toujours passer d’une tâche à l’autre tout en accomplissant les soins et ça, c’est une compétence qu’on n’apprend pas spécialement à l’école. On doit être flexible. Et aussi, on doit apprendre à gérer le stress, à le maitriser pour éviter de stresser pour la moindre petite chose. On voit quand même la façon de gérer notre stress à l’école. Mais si on est une personne qui stresse vite, là, ça ne va pas être évident de travailler dans un tel métier !
Les patients de votre service sont en court séjour ?
Shannon : Effectivement. Normalement c’est un séjour court ; le patient arrive la veille de l’opération. Là, on le prépare, on voit son dossier, les allergies, tout ça. Après l’opération, le patient revient dans notre service où il reste jusqu’à son retour à la maison ou il part en rééducation ou, pour les personnes âgées, elles peuvent aller dans une maison de soins. Donc normalement, les patients ne restent pas très longtemps chez nous. On est aussi spécialisé pour la prise en charge des patients avec des plaies chroniques, donc là, on a quand même parfois des patients qui restent des mois dans notre service pour le traitement de la plaie.
Quel type de plaies ?
Shannon : Ce sont des plaies que peuvent, par exemple, avoir des personnes diabétiques au niveau des pieds. On a aussi des personnes âgées qui sont alitées et qui ont des décubitus au niveau des fesses ou des talons ou qui ont de grandes plaies assez profondes. Ça prend du temps jusqu’à la guérison.
Vous travaillez dans les services chirurgie et urologie. Déjà, qu’est-ce que l’urologie ? Et comment faites-vous pour jongler entre les 2 services ?
Shannon : C’est un service où les patients sont « mélangés » dans toutes les chambres. Dans une chambre, on peut avoir un patient en chirurgie et un autre en urologie. Les services ne sont pas séparés. En urologie, on prend en charge les patients qui, par exemple, ont des lithiases rénales (calculs rénaux). Parfois, ça donne lieu à une opération, parfois non. Donc, ces patients sont chez nous pour le traitement contre les douleurs et parfois pour une opération afin d’extraire les pierres. On a aussi des hommes âgés qui ont des soucis de prostate, des patients avec des tumeurs au niveau de la prostate ou de la vessie. Parfois, ce sont des patients à qui une cystectomie (retrait de la vessie) est nécessaire. Ceux-ci restent plus longtemps chez nous pour les soins et pour apprendre à vivre avec une sorte de poche placée sur le ventre pour recueillir les urines. On a aussi beaucoup de femmes ayant des infections au niveau de la vessie, des reins. Voilà rapidement le profil des patients que nous avons chez nous.
Et comment décrivez-vous la relation que vous avez avec vos patients ?
Shannon : Avec les patients en urologie, la confiance est vraiment importante. On travaille beaucoup sur les zones intimes donc une relation de confiance entre le patient et les soignants doit être bien présente. Pour nous, c’est normal. Mais pour certains patients, ce n’est pas si évident. Donc on doit vraiment faire en sorte que la confiance s’installe. Pour ce faire, on parle, on donne des explications. Mais aussi, c’est notre façon d’entrer dans la chambre du patient. Si je viens dans la chambre sans un bonjour, le patient ne sera pas très content. Alors que si j’entre, que je respire la bonne humeur, je rigole, je parle avec les gens, ça change énormément ! « La première impression », comme on dit souvent.
Quand un patient arrive pour une opération, comment ça se passe ?
Shannon : Quand il arrive la veille de l’opération, une aide-soignante, un élève en stage dans notre service ou une infirmière s’occupe de lui. Elle l’aide à s’installer dans sa chambre, regarde son dossier, fait le point sur ses antécédents, maladies ou opérations, les allergies, les médicaments… puis elle regarde quelle partie du corps va être opérée. Pour une opération de la prostate, on doit raser le patient par exemple. On donne toutes les explications au patient sur le déroulement de la journée pendant laquelle est prévue l’opération. On explique les médicaments qu’il reçoit avant et après l’opération. Ensuite, le poste de nuit arrive. Normalement, le personnel de nuit n’a pas beaucoup de contacts avec les patients qui n’ont pas encore été opérés. Si le patient est le premier à être opéré, c’est l’équipe de nuit qui le réveille et lui donne de nouvelles explications, qui vérifie qu’il est à jeun, s’il ne porte plus de bijoux, ses lunettes aussi. Et c’est l’infirmière qui est en poste du matin qui emmène le patient en salle d’opération. À ce moment-là, généralement, le patient a reçu un calmant ou des antibiotiques et là, c’est sous la responsabilité de l’infirmière. Celle-ci donne les informations en salle d’opération. Ce n’est pas dans les fonctions de l’aide-soignante.
Si j’entre, que je respire la bonne humeur, je rigole, je parle avec les gens, ça change énormément !
Jusqu’à où êtes-vous autonome pour réaliser des actes ?
Shannon : Ça dépend. Pour tout ce qui est hygiène du patient, on est totalement autonome. Mais pour les médicaments, c’est en fonction des prescriptions du médecin ; certains médicaments sont clairement définis dans la prescription et d’autres sont à administrer uniquement si le patient en a besoin. Si cette prescription semble ne pas suffire, je dois contacter le médecin pour lui demander son avis. Aussi, pour les prises de sang ou la pose d’une sonde urinaire, c’est un acte prescrit par le médecin. Mais si, en tant qu’infirmière, je vois tout de même qu’il y a un problème, qu’il serait important de vérifier un paramètre sanguin, je peux demander au médecin pour faire une prise de sang ou mettre une sonde. On travaille beaucoup ensemble. Dans le service urologie, les médecins ont confiance en nous, on sait quoi faire.
On travaille beaucoup ensemble.
J’ai aussi suivi la formation de 4 jours pour être tuteur des élèves infirmiers. Donc, je m’occupe aussi des élèves, je travaille avec le LTPS.
Pour travailler en chirurgie, urologie, avez-vous dû suivre un stage ou une formation supplémentaire ou ce que vous avez appris lors de vos années d’étude suffit ?
Shannon : Les études sont suffisantes. Ça fait 3 ans que je travaille dans ce service, j’ai suivi plusieurs formations dans les deux domaines. Parfois, ce sont des formations obligatoires, c’est bien ! Par exemple, pour les pansements, on reçoit souvent du nouveau matériel, on a alors besoin d’une petite formation pour bien les utiliser.
Les formations que vous avez suivies sont spécifiques au service ? Ce sont des apprentissages purement techniques ? Quels sont les sujets par exemple ?
Shannon : Ça dépend, c’est un peu de tout. Par exemple, en janvier, j’ai une formation pour bien faire un pansement chez une personne qui vient d’être amputée d’un bras ou d’une jambe. Cette formation est importante pour notre service parce qu’on a parfois des patients dans ce cas. Pour un autre service, ce type de formation peut ne pas être aussi importante. On a reçu aussi une formation ouverte à tous les services pour améliorer notre façon de faire les prises de sang. Ce sont des petites formations qui peuvent durer une heure ou une journée, en fonction du thème étudié. Moi, j’ai aussi suivi la formation de 4 jours pour être tuteur des élèves infirmiers. Donc, je m’occupe aussi des élèves, je travaille avec le LTPS. Donc, je suis une des quatre personnes du service avec cette formation vers qui les élèves peuvent toujours se tourner quand ils ont des questions. Avec eux, on va voir des dossiers patients, je parle avec leurs professeurs… Cette formation intègre l’aspect pédagogique.